Lorsqu’Alain a commencé à « penser jardin » ce n’était pas pour faire germer des graines. Il avait d’autres objectifs encore confus certes, mais que la consultation assidue des livres d’Art et d’Architecture rendait de plus en plus tangibles et évidents. C’est ainsi qu’il m’annonça un jour avec détermination qu’il ferait un jardin architecturé avec des tourelles, des portiques, des arches, des colonnes, des galeries, des balustrades, des bassins, des fontaines… Je me souviens avoir ricané en le traitant de « gros naïf » ce qui ne l’empêcha pas de se mettre au travail avec encore plus d’acharnement, excavant et chamboulant la terre, n’épargnant que le petit potager choyé par mes soins, où s’épanouissaient mes premières fleurs et quelques savoureux légumes.

Les livres encore, avaient fourni à Alain quantité de graines recélant les secrets de techniques ancestrales pour confectionner un mortier et le monter, à la façon des maçons du Moyen-Âge ou des bâtisseurs de son pays natal. Peu à peu apparaissaient au milieu d’un étrange chantier des éléments d’architecture encore disparates et tout à fait insolites en pays savoyard. Sitôt achevés, je les habillais de fleurs pour donner au mortier de chaux encore rêche et brut, l’élégance que je pressentais. Mes fleurs prenaient de la hauteur en même temps que s’élevaient et prenaient forme les idées architecturales d’Alain.

Aujourd’hui, plantations et bâti dialoguent intimement en exaltant mutuellement leurs attraits.

Le jardin improbable conçu par Alain « le gros naïf », poétisé par sa fidèle Muse, figure à présent, au même titre que les plus prestigieux jardins, dans la liste des biens patrimoniaux dignes d’être conservés et transmis aux générations futures.

Pari gagné ! Et ce n’est pas terminé !