«Un mal qui répand la terreur,
Mal que le ciel en sa fureur
Inventa pour punir les crimes de la terre…»
Ainsi parlait Jean de la fontaine au 17ème siècle.
Et s’il revenait ? Si, après avoir mis en scène les noirceurs et les cruautés de son siècle, arrivait-il soudain dans le notre pour en révéler les tensions, les crises et les impasses ?
Utiliserait-il le même ton badin pour fustiger notre époque et ses travers ?
Il y discernerait vite l’homme prédateur et sa volonté de puissance exacerbée, le désir de croissance poussée à son paroxysme, la mondialisation irrépressible, la surpopulation, l’exploitation effrénée des ressources naturelles, le gaspillage systématique…
Aujourd’hui, les dépravations de son bestiaire nous paraissent bien innocentes et inoffensives au vu des dégâts provoqués par la redoutable suprématie et complexité de l’être humain.
Mais voilà que soudain tout se grippe et s’emballe. Nous sommes tous devenus «des animaux malades de la peste». Le monde entier s’alarme. L’homme fort vacille, l’économie s’effondre.
Et pourquoi ? Et pour qui ?
Le fauteur de trouble est un tout petit organisme orphelin, doté d’un code ADN en quête d’une cellule hospitalière pour se developper et se multiplier, un virus, puisqu’il faut l’appeler par son nom. Celui-ci a un joli nom, Corona, ça pourrait être un nom de fleur…
Et ce petit rien chétif, sans autonomie, provoque de jour en jour une panique collective en passe de faire chuter les économies mondiales, fermant les frontières, confinant des millions d’habitants !
Que nous soyons savetiers ou financiers, nous sommes tous happés par l’inquiétude et l’angoisse. Nous voilà embarqués de gré ou de force dans le même bateau. Et là, privés de notre travail, de nos échanges, de nos familles, de nos voyages, de nos loisirs, de nos projets, nous commençons à réfléchir… Ne serait-il pas temps de changer de modèle alors que les limites de la globalisation et de la croissance systématique nous rappellent cruellement à l’ordre ? Cette crise n’est-elle pas révélatrice de notre fragilité, de notre dépendance, de l’absurdité et incohérence du système économique mis en place ?
Cette méchante aventure nous rendra t-elle plus humbles, plus sages, plus responsables, moins boulimiques ? Pourquoi se prendre pour un bœuf lorsqu’on n’est qu’une grenouille?
Le Coronavirus est-il un bouc émissaire ou un phénomène salutaire ?
Monsieur de la Fontaine ne manquerait pas de répondre à nos interrogations anxieuses avec espièglerie. Il n’est pourtant pas certain qu’il oserait conclure cette méchante fable surréaliste d’un trait de plume d’oie :
«On a souvent besoin d’un plus petit que soi»